Homélie de Mgr Marc STENGER lors de la prière oecuménique pour Haïti le 24 janvier à Troyes

Publié le par FranceHaïti

Prière œcuménique pour Haïti
 
Cathédrale de Troyes, le 24 janvier 2010

Lc 1, 1-4 et 4, 14-21

 
L’Evangéliste Luc dont on dit volontiers qu’il est l’historien des commencements de l’Eglise, nous donne aussi, dans l’ouverture de son Evangile que nous venons d’entendre et qui est le passage de la Parole de Dieu retenu par le lectionnaire de la liturgie catholique pour ce dimanche, des clefs pour lire notre histoire, cette histoire qui prend quelquefois des contours dramatiques. Ce qu’il nous livre aujourd’hui c’est une puissante invitation à relire cette histoire à la lumière de la foi, une relecture possible parce que le Christ est venu rejoindre le monde des hommes et a ainsi donné un sens nouveau à cette histoire.

 
Ce sens nouveau, c’est celui que les prophètes ont annoncé et que le Christ a confirmé par sa venue en ce monde, par ses paroles et ses gestes, par sa vie et par sa mort. Ce sens nouveau, c’est celui d’une création qui est à comprendre comme une libération qui s’opère sous nos yeux et qui fait de nous des témoins d’un monde nouveau qui commence. Nous sommes appelés à nous faire les historiens d’une révélation qui se déroule dans l’aujourd’hui et dont le dévoilement ne peut se faire sans un regard de foi. Un regard de foi qui nous conduit à croire qu’un autre espace que celui dans lequel nous nous sentons enfermés est possible, une autre vie est possible, maintenant. Un regard de foi qui nous conduit à croire cela pour y participer à part entière, pour être témoins et acteurs dans ce monde nouveau, et ce monde nouveau c’est le Royaume de Dieu aujourd’hui.

 
Et cette révélation c’est Jésus qui l’actualise dans le présent de l’histoire. Dans la synagogue de Nazareth Jésus lit la Parole de Dieu telle que l’ont transmise les prophètes. Cette Parole, nous dit l’évangéliste, il la réalise par l’écriture de sa vie et de sa mort. Par sa manière d’être au monde il change définitivement le rapport de l’homme avec l’homme et par là même le rapport de l’homme avec Dieu. C’est un tout nouveau modèle qu’il introduit. Dans sa révélation, l’homme n’est plus ce pécheur condamné et puni, accusé de toutes les fautes possibles et en butte à la colère de Dieu. Ce modèle ancien nous colle encore à la peau. Rappelons-nous qu’il n’y a pas si longtemps il a fait dire à certains que le sida était un châtiment de Dieu ou plus récemment encore que Dieu punissait Haïti pour ses péchés. La Bonne Nouvelle que le Christ annonce c’est que les prisonniers sont libres, que les aveugles voient, les opprimés sont délivrés, que Dieu aime l’homme et le monde, qu’il veut son bonheur.

 
Ce qui nous réunit pour ce temps de prière peut nous sembler en absolu contre-point de cette affirmation de la foi. Le drame de Haïti est une épreuve pour la foi. Et pourtant c’est cette même clef de lecture qui doit nous conduire et qui doit fonder notre prière commune de cette après-midi. Cela ne nous est pas facile dans ce monde déconcertant, recru de catastrophes, de drames, d’incertitudes pour l’avenir. Nous avons bien des raisons de désespérer de l’homme et, pour certains, même de Dieu. Il est donc bon que nous entendions cette Bonne Nouvelle : cette parole de l’Ecriture, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. Aujourd’hui les hommes sont libérés, relevés, aimés. C’est à nous d’assurer que ce soit effectif. C’est à nous de trouver les mots et les gestes pour que ce soit crédible dans notre société soumise à de profonds bouleversements. C’est à nous d’être les témoins d’un Dieu qui n’est ni au-dessus ni loin de l’homme, mais avec lui. 

 
On ne peut être qu’admiratifs de l’élan de générosité qui a soulevé le monde entier quand on a eu la nouvelle de la tragédie de Haïti. Mais cela ne deviendra une profonde raison d’espérer en l’amour sauveur du Christ que si ce magnifique mouvement est plus qu’un instant d’émotion. Que notre prière de cette après-midi soit déjà une manière de dire que nous sommes profondément concernés par ce que vivent nos frères, que nos propres vies en sont touchées, que nous sommes mobilisés pour faire un monde plus juste et plus fraternel à l’image du Royaume de Dieu, que nous ne voulons pas nous décharger, de quelque manière que ce soit, de nos responsabilités de construire un monde nouveau.
Plus que jamais l’homme est en quête d’espérance. Celle-ci doit être le matériau de l’histoire qui s’enfante. Elle le sera si elle nous habite et si elle conduit notre être au monde et aux hommes.

 
+Marc STENGER

Evêque de Troyes

Publié dans Initiatives

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